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jeudi 21 avril 2011

Le Waterloo d'Obama


Narcisse Tiky*. Les fautes «impeachables» du président américain en Libye.

Depuis son accession au pouvoir il y a deux ans, le président américain a réussi à éviter de faire des fautes majeures qui auraient donné des balles à ses adversaires de l’extrême droite pour sa propre exécution.







Mais voila que le plus américain des présidents français, M. Nicholas Sarkozy, réussit à trainer M. Barrack Hussain Obama dans un faux pas qui pourrait avoir des conséquences désastreuses pour le premier président noir-américain. En engageant des opérations de combat contre la Libye , ce dernier vient de commettre, en une seule action, trois fautes, et pas des moindres : stratégique, politique et « morale ».

La faute politique. Après avoir autorisé son armée à déverser plus de 100 missiles meurtriers sur la Libye du colonel assassin, Barrack Hussain Obama vient justement de mettre ses ennemis en ordre de batailles au Congrès et en dehors. Contrairement à George W. Bush et sa guerre contre l’Irak, le président Obama s’est mis sous le couvert de la résolution 1973 du Conseil de Sécurité des Nations Unies avant d’envoyer ses forces aériennes bombarder Tripoli et ses environs. Mais aussi, contrairement à son prédécesseur, il a curieusement « oublié » de demander le feu vert du parlement américain, ce qui est une exigence constitutionnelle. L’action militaire américaine en Libye peut par conséquent être jugée illégale au regard de la loi de ce pays. De plus, en démocratie de type présidentialiste comme celle des USA, la séparation des pouvoirs est sacrée et des parlementaires des deux bords, républicains et démocrates, sont ulcérés par ce qui apparait bien comme un abus de pouvoir exécutif. Pour le très libéral député de Cleveland, Dennis Kucinich, le président a commis un délit passible d’impeachment : il a violé l’Article 1, Section 8 la constitution américaine qui donne au Congrès le pouvoir exclusif de déclarer la guerre. « Nous bombardons la Libye en ce moment et le Congrès n’a pas approuvé cette action ; elle est par conséquent illégale », écrit le Congressman dans une lettre de levée de fonds à ses supporteurs.

La faute stratégique. Barrack Obama a lancé les forces aériennes américaines dans une opération dont les objectifs ne sont pas clairement définis ; elles portent ainsi le risque d’être contre-productives. Une fois encore, le parallèle est saisissant avec la faute stratégique commise par George W. Bush en 2003 en Irak. L’affaiblissement de l’Irak a surtout profité à l’Iran shiite, ennemi juré des USA, qui est devenu une force menaçante pour Israël, l’allié traditionnel des Américains, et de loin supérieur à ses voisins sunnites. Les mauvais calculs de George W. Bush ont certes accrus la main mise des multinationales de son pays sur la production pétrolière de la région, mais les coûts humain et financier des opérations militaires contre l’Irak se sont révélés supérieurs aux gains pour le pays.

Le risque d’une contre-productivité des opérations militaires contre la Libye est très élevé. La résolution du Conseil de Sécurité des nations Unies a pour objectif d’établir une zone d’exclusion aérienne et d’empêcher Kadhafi de massacrer les rebelles qui défient son pourvoir. En déclarant que l’objectif des opérations militaires c’est le départ de Kadhafi, et en bombardant la résidence du « guide » libyen, le président américain est clairement en dehors du mandat onusien autorisant les attaques contre la Libye. Si Kadhafi était effectivement évincé comme le voudrait le président Obama, que gagneraient les USA après avoir dépensé l’argent du contribuable en participant à ces opérations? Et si la résolution des Nations Unies était finalement respectée et que la Libye se trouve divisée en deux ou plusieurs parties, que gagneraient les USA ? Et si Kadhafi parvenait à défaire la rébellion malgré la zone d’exclusion aérienne, étant donné que les troupes occidentales ont déclaré qu’elles n’iraient pas sur le terrain, que gagneraient les USA ? Ces deux cas de figure semblent aboutir au même résultat : pertes américaines au mieux une perte financière et au pire l’arrivée d’islamistes au pouvoir après la chute du colonel. Le leader républicain de la commission des affaires étrangères du Senat a probablement vu juste : « Je ne comprends pas cette mission… elle n’as pas de directives pour assurer le succès… nos alliés ont probablement des intérêts inavoués et ont simplement voulu avoir la caution du Conseil de Sécurité ». En suivant moutonnement le président Sarkozy, il sera écrit dans les annales militaires américaines que c’est la première fois que l’Amérique engage ses troupes dans une coalition militaire sans en prendre le leadership et s’en s’assurer que l’opération lui sera bénéfique à plusieurs égards. Bravo Barrack !

La faute morale. Les Américains, Français et Anglais qui déversent ses missiles sur la Libye a certes les moyens d’anéantir les moyens de défense anti-aériens du pays de Kadhafi. Mais en le faisant, elle va causer la mort de centaines de personnes. Que répondre à la question de savoir combien de personnes faut-il tuer pour en sauver d’autres ? La vie des habitants de Tripoli qui se font tuer par les forces occidentales est-elle moins chère que celle des rebelles de Benghazi que Kadhafi s’apprêtaient à tuer ? Les justiciers Américains et autres ont-ils le droit d’ingérence dans les affaires internes de la Libye ? Oui, il faut absolument arrêter tous les leaders fous qui massacrent des populations sur une base ethnique, politique ou religieuse. Mais il ne faut pas confondre ce droit d’intervention à but humanitaire avec ce qui se passe en Libye. Contrairement aux Tunisiens et Egyptiens, des Libyens gens se sont organisés pour prendre le pourvoir par la force des armes, devenant ainsi un mouvement rebelle. Tous les Etats du monde se comportent de la même manière face aux rebellions ou autres velléités indépendantistes. Les Français n’ont-ils pas massacré les indépendantistes Kanaks de la Nouvelle-Calédonie en 1988 ? Combien de Tchétchènes les Russes ont-ils tué pour éliminer toute possibilité d’indépendance aux populations de cette contrée ?

Les mêmes Occidentaux qui son en train de bombarder Tripoli sous le prétexte que Kadhafi a utilisé des avions pour tuer des rebelles armés libyens, affichent une indifférence choquante vis-à-vis des massacres perpétrés par le potentat de Bahreïn ou des civils pourtant désarmés assassinés avec les kalachnikovs de la police. Samedi dernier, 19 mars, Paris-Match rapportait que la «capitale yéménite a été le théâtre d'un véritable bain de sang vendredi». Le président Ali Abdallah Saleh, surnommé par son propre peuple le «boucher», au pouvoir depuis 1978, a reçu les indignations de Paris, Londres et Washington. Aucune action militaire des justiciers n’est envisagée. En Cote d’Ivoire, M. Gbagbo est accusé de massacrer des civils à Abidjan, le président élu, M. Ouattara demande l’intervention onusienne et on ne voit pas M. Juppé implorer le Conseil de Sécurité des Nations Unies d’agir pour sauver les des vies ivoiriennes. Deux poids, deux mesures ? Bien évidemment ! Le sous-sol libyen est plein de pétrole pour la France.

En démocratie, les fautes se payent en monnaie électorale. Les fautes politique, stratégique, et morale ci-dessus étalées vont à coup sur faire perdre beaucoup de voix au président Obama parmi ses supporteurs de 2008, notamment ceux qui sont opposés à toutes les guerres de conquête sous prétexte humanitaire ou de promotion de la démocratie. Cette perte sera-t-elle suffisamment élevée de manière à compromettre sa réélection en 2012 ? Tout dépendra de la tournure des évènements en Libye. Si cette aventure devenait et rappelait aux Américains le fiasco irakien, la Libye sera le Waterloo de Barrack Hussain Obama et il fera, comme Jimmy Carter, un seul mandat.

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